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Yannick Rumpala sur AIME

26 October 2013
catégorisé sous: discussions

Yannick Rumpala (Université de Nice, ERMES) a rédigé un long compte-rendu paru dans la Revue française de science politique (vol. 63, n° 3-4, Juin-Août 2013).

Le dernier livre de Bruno Latour peut passer pour un objet curieux, autant dans son positionnement que dans son contenu. Il a d’abord l’ambition d’être plus qu’un livre. Les lecteurs sont, en effet, invités à se reporter conjointement à un site Internet, censé donner accès à un « livre augmenté » ainsi que les moyens de contribuer eux-mêmes à la réflexion proposée. L’époque étant aux démarches collaboratives et contributives, l’ambition affichée est ainsi de pouvoir associer les lecteurs à l’enquête (s’ils ne finissent pas noyés dans les circonvolutions de l’argumentation, comme on le verra). Pour partie, le livre est le prolongement d’un autre plus ancien qui, dans une forme de provocation, avait été intitulé Nous n’avons jamais été modernes. Essai d’anthropologie symétrique (1991). Il est même censé en constituer la réponse, la version « positive », en présentant ce que « nous » avons alors été, à défaut d’avoir été modernes, en d’autres termes en repérant les valeurs qui sont désormais présumées constituer l’héritage collectif des derniers siècles. Le lecteur habitué aux écrits de B. Latour retrouvera la part maintenant récurrente de mise en scène personnelle, consistant notamment à expliquer, à lui lecteur naïf, que le monde entier a été jusque-là dans l’erreur et l’obscurité et qu’il se charge d’apporter la lumière nécessaire.lire la suite sur le blog de Yannick Rumpala

Yannick Rumpala « Lectures critiques », Revue française de science politique 3/2013 (Vol.63), p. 679-693.
URL : www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2013-3-page-679.htm

Réponse de Bruno Latour à propos du passage suivant :

Le lecteur un peu déboussolé ne pourra d’ailleurs pas s’appuyer sur ce qui peut aider habituellement en science sociales, à savoir des notes de bas de page avec des références ou une bibliographie indiquant les points d’appui de l’auteur. Était-il censé faire des allers-retours constants entre le livre et le site ? Ce site compagnon l’aidera en fait peu puisqu’il ne semble guère avoir évolué depuis sa mise en ligne et qu’il en est resté, malgré les mois écoulés, à une présentation des grandes orientations de l’enquête.`

Nous pensons qu'il y a eu confusion entre la page d'accueil du site et l'interface du livre augmenté car nous avons trouvé étrange - puisque l'auteur de l'article insiste sur le manque de dimension empirique de l'enquête - qu'il passe entièrement sous silence l'apparat critique du site qui couvre en détail toutes les enquêtes empiririques que j'ai pu faire avec un luxe de détails, de galerie, de visualisation qui serait impossible sans la procédure numérique. Nous allons donc essayer de rendre plus visible le lien entre les deux parties indissociables du projet.

Réponse à propos du passage suivant :

Si le projet affiché par Bruno Latour est celui d’une « philosophie empirique », sa réalisation tend souvent ici à se détacher de l’empirie.

Il reste un désaccord sur le sens du mot empirique car si vous vous dites déçu par l'absence d'empirie dans ce projet, c'est justement parce que je suis venu buter dans les nombreux travaux que j'ai menés (et qui sont quasi tous mobilisés dans la version numérique) sur l'obstacle d'un manque de gabarit ontologique ajusté à l'expérience que je voulais décrire, que je me suis lancé dans cette enquête. Ne pouvant décrire ni la science, ni le droit, ni la religion, ni la technique, ni l'économie en utilisant les moyens habituels, il m'a paru nécessaire de faire un détour. C'est ce détour qui explique la forme et le ton du présent projet. Pas une seconde on ne perd de vue que c'est bien de l'expérience qu'il s'agit et de son ''rendu''.

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